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Identité quand tu nous tiens

 

 Par Anne Josnin

 

 

 

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A Marie-Lys, Gazaleh, Cyrille,  

N’Faly, François-Régis, Assadullah, Emma,

 

En mémoire de tous les camps de migrants

détruits dans nos Hauts de France, plus particulièrement

 celui de Tatinghem, ce 20 décembre 2017.

 

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Voici un mot qui revient à la mode chez nos jeunes qui prennent soudainement conscience que ce qu’ils ignorent du fait de leur néant culturel serait menacé par un foulard et une bombe artisanale.

 

 

Qui est l’envahisseur ?

 

Nos jeunes ne voient pas leurs propres vêtements de marques « mondialisation à l’américaine »,   non plus les tonnes d’armes autrement professionnelles que charrient tous les jours nos usines occidentales sur les terres ensanglantées de nos exploitations minières et pétrolières, nos ingénieurs  là-bas  donneurs d’ordre, entourés de leurs services de sécurité, leurs familles dans de riches oasis entourés de miradors ;  mais le survivant exsangue de nos guerres qui s’échoue sur nos plages, se transforme par la magie de l’ignorance en envahisseur du grand remplacement.

 

 

Qui est le terroriste ?

 

Les terroristes islamistes sont des nains idiots au service du système.

Notre jeunesse orpheline voit, parce qu’elle se fie innocemment aux médias du système dont elle est gavée depuis chez la nourrice, qu’une bande de pieds nickelés se donnant posture de héraut de l’Islam (quel Islam ? A  la sauce hollywoodienne !) peut, oui, de temps en temps réussir son  coup et tuer, hélas.

Elle ne voit pas les millions de victimes exécutées de manière industrielle par les plus grands destructeurs de culture de tous les temps, les multinationales de l’agrochimie, du pétrole,  de l’industrie pharmaceutique, des nouvelles technologies comme des plus vieux métiers du monde, toutes trafiquantes d’êtres humains pour leurs basses œuvres, toutes ne laissant derrière elles que  terres brûlées, empoisonnées, impropres à toute vie, et charniers fumants.


 

Le syndrome de Stockholm

 

Leur copine de classe qui se meurt d’un cancer,  leur petit frère autiste,  leur mère en burn out,  leur père en arrêt pour maladie professionnelle,  leur addiction au porno,  le surpoids de leurs sœurs, nos jeunes pas plus que leurs parents n’en interrogent les causes quand ils  discutent sur leur forums depuis leurs écrans; la faute à la fatalité !

Mais cet Afghan qu’ils ont aperçu au bord de la rocade, ce jeune Ethiopien qui vient d’entrer dans leur lycée pro : voilà l’ennemi ! La preuve ? Ils ont une culture différente : des vêtements, des musiques, des danses, des langues et des plats qu’on ne voit pas chez nous. Ils ont par dessus tout une force de vie que nous avons perdue depuis longtemps, qui soufflette douloureusement nos joues flasques de bétail hors sols que l’on gave pour l’abattoir de nos guerres économiques.  Et voilà nos jeunes qui se font vaillants petits soldats de l’american way of life, dont ils pensent en toute ignorance que c’est cela être français. Mais depuis quand les enfants ? Depuis quand être Français c’est se goinfrer de viande industrielle, militer pour le port d’armes en chantant des hymnes aryens ? Depuis quand être chrétien c’est se déclarer tranquillement racialiste ? Ignorez-vous à ce point ce que vous dites défendre ?

 

 

Là vous m’arrêtez : il faudrait savoir, ces identitaires, ils sont pro-américains ou pro-nazis ?

-Les deux mon Général !

 

 

Le grand remplacement : le vrai.

Alors qu’Hitler savait son combat perdu, il aurait dit : plus rien ne sera jamais comme avant. Si c’est vrai,  il voyait juste. Il avait définitivement hissé au pouvoir par l’extrême d’une guerre technologique, technocratique et scientifique, le pouvoir économique, reléguant les politiques en valets des techniciens du monde nouveau.  Beaucoup de scientifiques nazis se reconvertiront sans problème en chercheurs américains, permettant  la conquête de la lune par exemple, plus qu’en  soviétiques d’ailleurs, ces derniers payant moins bien. Les techniques de propagande nazie feront les beaux jours des réclames d’après-guerre. IBM, Ford, comme Hugo Boss ou Bayer, Renault, après avoir travaillé pour le Reich, continueront de prospérer, colonisant toujours plus profondément nos cerveaux.

(Il serait  intéressant de sonder l’inconscient du peuple américain dans son choix du bouffon Trump, afin de voir jusqu’où son élection n’est pas l’ultime,  grotesque et dérisoire tentative d’opposition à ce coup d’Etat permanent des multinationales et de leurs technocrates qui, par la privatisation universelle ont la mainmise sur tous les ressorts de la vie en société, et de la vie tout court).

On comprend dès lors que ce sont dans les pays les plus pro-américains, où s’épanouissent  les bases de l’OTAN,  que prospèrent aussi  les mouvements d’extrême-droite, leurs politiciens polichinelles passant commande des mêmes murs et miradors rutilants qu’en Amérique.

Si nous n’avions eu en France cette singularité que fut De Gaulle, nous nous serions alors  autant américanisés que les autres pays européens, c’est-à-dire que nous n’aurions pas eu de reprise en main de la chose publique par le pouvoir politique, mais des plans de reconstruction élaborés par des industriels seuls aux manettes, nos modes de vie imposés à grands renfort de propagande made in hollywood.

Là où De Gaulle s’est lui-même trompé, c’est qu’il a craint les citoyens d’Afrique du Nord et leur Islam plus vaillant que notre christianisme sans en bien saisir la raison : il n’a pas vu que le plus grand danger pour une politique souveraine venait du pouvoir économique et de son chimérique progrès à qui nous étions en train de vendre notre âme. Il a cru que dans le cadre d’une 5e République, un président/monarque saurait tenir la bride aux industriels et autres grands patrons du privé, dont il avait besoin pour la reconstruction de la France,  en enfant de la modernité.  Peut-être pensait-il aussi que les compagnons de résistance communistes continueraient indéfiniment à jouer leur rôle de contre-pouvoir au sein du système économique ? Là aussi c’était ignorer que le vers était dans le fruit communiste, son matérialisme le rendant crédule aux rêves de progrès. Là où est ton rêve, là aussi est ton maître. Aujourd’hui encore, on trouve chez de vieux militants communistes, pourtant conscients de la gravité de la crise écologique, les derniers grands apôtres du nucléaire, de fait lobbyistes gratuits  pour Areva and co.

De Gaulle n’a pas vu que le plus grand danger pour une culture, ce n’était pas une autre culture, mais son asservissement à l’idéologie du progrès technologique et sa dissolution dans un mode de vie matérialiste.

Pourtant la France lui doit par sa résistance aux Américains de rester en Europe l’un des pays d’où peut rejaillir aujourd’hui une  authentique culture nationale, non pas contre les autres, mais en sœur de toutes les autres.  

Oui, mais comment ? Quid de l’étranger chez nous?

 

 

Où la ruse des mondialistes peut se retourner contre eux : cultures de tous les pays, unissez-vous !

 

Je ne nie pas que les phénomènes migratoires, provoqués par le mondia-système libéral, ne soient pas seulement conséquence de ses exactions, mais aussi instruments de sa politique. Qu’il ne cherche par là à détruire toutes les cultures, pour nous réduire tous à  des pions interchangeables dans le grand casino mondial.

Je ne dis pas qu’il n’a pas sciemment mis en concurrence vieux pays de restes chrétiens et Islam des pays pétroliers, afin de voir lequel se plie le mieux au grand marché mondial : si une femme rapporte plus en étant voilée ou seins nues. Voire si on ne peut faire un syncrétisme idéal pour les affaires.

Mais je nie donc qu’il y ait remplacement : il y a annihilation des peuples, non remplacement. Et ceux qui le croient, d’un côté comme de l’autre, ne sont que les marionnettes au service de leur véritable ennemi.

 

Je crois qu’au contraire, cette arrivée d’une jeunesse étrangère qui n’a pas encore le système immunitaire affaibli par le virus de la modernité, dont elle n’a subi que de l’extérieur les attaques, ses maisons, ses villages, son avenir détruits là-bas, est pour tous notre chance de salut. Je le crois parce que je le vois.  Je vois de mes  étudiants et jeunes salariés,  je vois de nos retraités bénévoles, en mal-être existentiel parce que notre mode de vie de bétail industriel  atteint notre force de vie, retrouver vigueur auprès des migrants.  Oui je crois que de cette immense tragédie qu’est l’exode de peuples d’Afrique, d’Orient, d’Asie…,  peut naître l’antidote au mal qui détruit l’humanité, et la vie sur terre avec. Que chacun peut retrouver  sa culture particulière d’abord en renouant avec notre commune humanité. A condition de ne plus nous laisser tromper par ceux là qui agitent sous nos yeux pour mieux nous étriller le rouge sang des guerres tribales.


 

L’Ennemi commun

 

Alors faut-il intégrer ces immigrés en les mettant en concurrence avec les travailleurs détachés de l’Europe économique, en les initiant aux codes de la société de consommation dans nos centres sociaux ?

Pourquoi la jungle de Calais a-t-elle été détruite ? Pour tarir le flot des migrants ? Pas le moins du monde, et personne parmi les décideurs ne le pensait, ni même ne le souhaitait.

Non, mais il ne fallait surtout pas que ce qui était en train de grandir au sein de la « jangol » ne prenne racine. Il y avait là, j’ose l’affirmer, un danger mortel pour la mondialisation made in libéralisme.

Une société libre par-delà tous les trafics qu’engendre la misère,  de métissage de cultures par-delà les conflits ethniques, chaque fil gardant la vivacité de sa couleur,  à partir d’une entraide d’une vitalité triomphante, le rire de la vie fusant au-dessus des décombres de notre société de consommation, nos déchets transformés en immense bidonville, certes, mais avec une belle ingéniosité, un sens inné de l’urbanisation, entre écoles, « librairies », mosquées et églises,  ateliers de sandales à partir de pneus de vélos, boutiques de produits alimentaires où fleure bon la cuisson de ces galettes afghanes qu’on lance  à la main devant vous. On y retrouvait mêlés « toute la misère du monde », des associations humanitaires et leurs salariés, des bénévoles anglo-saxons, français, des routards de tous âges, conteurs et musiciens de grands chemins, rebelles et doux rêveurs, des étudiants profitant des vacances pour venir aider et comprendre, des chercheurs, sociologues, urbanistes, artistes, qui avaient senti que quelque chose d’inédit était en train de naître des ruines de la mondialisation, dans ce lieu désolé de nos Hauts de France. On pouvait même y rencontrer des Calaisiens « égarés », qu’on avait pourtant pris soin de couper des migrants par ce camp à l’extérieur de la ville, parce que du temps où les hébergements de fortune étaient en ville,  on s’entendait un peu trop bien,  au goût des politiques, entre autochtones et étrangers.

Imaginez un instant : si la misère calaisienne s’était alliée à la misère du monde ? Si toutes deux s’étaient affranchies des mots d’ordre des politiques valets du système pour s’inventer leur propre avenir ?

On a mis bon ordre : on a rasé le camp après en avoir chassé violemment les habitants, (j’y avais des amis à l’intérieur lors du démantèlement, cela est resté un traumatisme pour eux), séparant des familles, les enfants perdus agrippés aux bénévoles, des mineurs jetés à la rue sans rien, le feu mis par des forces de l’ordre (j ‘ai eu alors des témoignages directs de gens non-militants),  et on a promis aux Calaisiens d’oublier cette parenthèse malheureuse en leur offrant… un méga parc d’attraction : Heroïcland.

Enfin de la culture bien de chez nous !

 

L’ennemi commun, c’est bien ce système qui au nom de notre bien-être selon sa version marchande, nous ôte toute possibilité de nous réapproprier nos destins personnels et communautaires et nous maintient à vie, tour à tour en enfants-rois malheureux et en travailleurs-esclaves, perdus dans cet immense parc d’attraction en passe de s’effondrer.

 

 

Oui mais l’Islam n’est-il pas aussi un ennemi?

 

Les Islamistes ne se déclarent-ils pas eux-mêmes en guerre contre les croisés ?

Et s’ils sont moins dangereux chez nous que le trafic automobile, on ne peut ignorer nos frères chrétiens massacrés en Syrie,  en Egypte, dans les pays d’Afrique Noire, en Asie !

Sans oublier  pour autant que les premières victimes des Islamistes sont…des musulmans. Ces gens ont besoin pour croire d’user de violence et de tuer. C’est là une preuve de faiblesse de leur foi, qui en fait de facto les complices du système libéral, en besoin permanent de dopants artificiels et mortifères pour se maintenir à flots. Ce sont mêmes ressorts psychologiques : détourner toute force de vie en violence de contrôle pour empêcher la vie d’échapper à leur dictature d’une norme délirante.

Quant au fond, l’Islam, dont l’islamisme est l’enfant monstrueux de son union avec le libéralisme, n’est pas un ennemi, mais, traditionnellement, un adversaire, cet autre avec qui nous avons à débattre en toute franchise et  viridité dans les universités et sur les places publiques.   Si cet Islam traditionnel parfois aussi tue des chrétiens, il se trouve qu’il n’atteint que les corps, la foi de nos martyrs en témoins d’une foi héroïque. Or le Christ nous l’a dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l'âme et le corps dans la géhenne. »  (Matthieu 10)

Notre système libéral s’attaque à l’âme des personnes comme des peuples, avant de nous tuer il nous ôte le goût de vivre et la force de nous tenir debout. Il réduit toutes les espérances des hommes en slogans publicitaires écoeurants. Si l’Islam est un adversaire, (et il l’est au même titre pour les chrétiens que l’athéisme, même si c’est pour d’autres raisons : l’un comme l’autre nous mettent par-dessus tout en concurrence d’amour) nous avons un ennemi commun qui nous oblige à cette fraternité : la dictature libérale.

 

 

Quid de la culture française ?

 

Les funérailles de Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday, liées par l’humour du Ciel, ont prouvé que par delà toutes les incohérences de vie de chacun,  je veux dire de chaque français, reste vivant en nous quelque chose qui nous dépasse et nous unit.

Tous deux étaient pourtant américanophiles. Mais tous deux vivaient cette passion américaine en « french lover ».

Quand j’étais passée au camp de Grande-Synthe, une chose m’avait particulièrement frappée : le sort réservé aux femmes. Si être migrant est une tragédie, être migrante est un enfer sans mot.  Soit elles acceptent d’ouvrir leurs jambes, soit on les leur ouvre.  Les grossesses, les  fausses-couches, les avortements, les MST, les enfants en souffrance. Et comme tout cela se vit dans ce noman’s land judiciaire de la clandestinité et de l’extrême misère,  il n’y a  guère que les associations militantes qui leur viennent en aide, tenant comme à Grande Synthe alors un « Woman Center », baraquement réservé aux femmes, où elles se savaient en sécurité,  pouvaient faire à manger aux enfants, les soigner et être soignées.

Et là je me demandais : où sont les chevaliers modernes pour défendre les veuves et orphelins d’aujourd’hui ? Où sont les moines-chevaliers pour soigner les migrants en leur montrant qu’on peut-être virils et chastes ?  

Nous avons besoin de poètes-troubadours pour réapprendre les veillées et les fêtes de villages et de quartiers,  de familles paysannes apôtres de la permaculture,  de pionniers pour réinvestir nos villages à l’abandon et y réinventer un vivre ensemble en autonomie, de missionnaires de l’entraide dans les quartiers,  de mamans et de papas  au cœur immense pour y recueillir la souffrance du monde au secret d’un enfant, de missionnaires pour réveiller les âmes et briser les idoles d’aujourd’hui, à la Hugo comme à la Grignon de Montfort.

 

Nous avons dans nos premiers de cordées que sont les saints de France et de Navarre, laïcs comme d’Eglise, dans leurs petits frères que sont nos ancêtres sauvés par grâce, la force si nous le voulons bien de nous hisser au-dessus de nos médiocrités pour ouvrir un avenir propice à la vie. A toute vie.

Avec les réfugiés de Tatinghem - 9 Juillet 2017

(Photo A.Josnin)

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