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Emmanuel Macron est-il l’Antéchrist ?

 

 

 

 

 

 

- Par Constantin Mirabel -

 

 

Dans une approche mystique, tout dans notre époque annonce la fin des temps, et par conséquent la venue de l’Antéchrist. C’est peu dire que nous baignons effarés dans cette « société de l’inversion » décrite dans l’Apocalypse. L’élection Présidentielle en offre une belle et symptomatique illustration : la parole de nos représentants ne vaut plus rien. Un seul exemple : le candidat du parti écologiste promet mordicus qu’il y aura un bulletin au nom de son parti dans les bureaux de vote mais négocie dans le même temps des postes de député pour se maintenir en place. Le même va ensuite se draper dans la morale pour s’insurger, indigné, des manquements à leur parole des candidats du camp opposé, qui c’est vrai ne valent pas mieux que lui. On n’en finirait pas ici de lister ce triomphe du parjure. Voilà qui donne envie de guetter ce mystérieux Antéchrist !

Revenons donc à la question du titre de ce texte. Il ne manquera pas, déjà en le posant, de s’auto disqualifier pour folie dans une époque qui se croit rationnelle, ou de lancer une énième traque de police de la pensée. Mais peut-être éveillera-t-il aussi la curiosité car la folie mystique intéresse à commencer par les esprits dont la dimension spirituelle est la plus refoulée.

 

Dans son roman Le Maître de la Terre, publié en 1906, et dont la lecture est chaudement recommandée par les papes Benoît XVI et François, Robert Hugh Benson imaginait la venue de cet Antéchrist. Il nous présente cet Antéchrist sous le nom de Felsenburgh. C’est « un homme d'environ trente ou trente-cinq ans. Il a le visage rasé, la taille très droite, les yeux et les sourcils noirs, sous des cheveux entièrement blancs. » S’il prend le pouvoir « M. Felsenburgh n'a même jamais formé un parti. C'est lui en personne, et non pas son groupe, qui a tout conquis. » Le discours de l’Antéchrist possède des traits qui nous rappellent étrangement un autre : il « était d'ailleurs très bref et très simple. Il ne consistait qu'en une annonce rapide du grand fait de la Fraternité universelle, désormais établie ; en des félicitations à tous ceux qui auraient le bonheur de pouvoir assister au déroulement futur des destinées de l'univers, après cet accomplissement définitif du grand effort des siècles ; et, par manière de péroraison, en une exhortation à la louange de cet esprit du Monde qui, maintenant, vient de réaliser son incarnation ». Un personnage du roman note : « un certain nombre de ces courts aphorismes qui étaient l'un des modes d'expression favoris de Felsenburgh. » Et « toutes ses paroles étaient dites lentement, distinctement, d'une voix merveilleusement claire et haute. »

 

Un écologiste médiatique rompu au matérialisme et à l’anticléricalisme le plus étriqué et inculte qui soit, auteur d’un livre intitulé L’Humanité disparaîtra, bon débarras !, s’est mis, début 2017, à chanter les louanges d’Emmanuel Macron sur un ton des plus religieux : « Emmanuel Macron dégage une sorte de grâce lorsqu’il parle. On lui a reproché ses attitudes évangéliques, quasi christiques, à la tribune de ses meetings. » (blog, 9 mars). Il est vrai que durant ses interventions, ce qui marque les quelques observateurs restés lucides est, non seulement la vacuité sidérale de ses propos, mais aussi les apparences quasi mystiques avec lesquelles il peut les prononcer : « Alors, je vous le dis, mes amis, lance-t-il ainsi à la foule venue l’écouter le 25 mars à Dijon : allez chaque jour, chaque heure, expliquer à nos concitoyens, aux indécis, même aux hostiles, allez expliquer dans les endroits les plus reculés, allez expliquer dans les quartiers où on vous dit “ça ne sert à rien d’y aller”, allez sur toutes les terres, parce que ce sont toutes des terres de la République et toutes des terres pour notre projet, allez leur dire que le projet que nous portons, il changera leur vie ! » Étrange ressemblance avec le chant de communauté de... l’Emmanuel : « Allez par toute la terre, Annoncer l’Evangile aux nations ! Allez par toute la terre, Alléluia ! ». Communauté de l’Emmanuel dont la spécificité est d’être un dérivé du protestantisme pentecôtiste très turbulent dans la vieille Église catholique. Comme bien d’autres, un observateur politique d’un grand quotidien, qui en a vu bien d’autres, est frappé par le comportement de ses supporters : « Les applaudissements frénétiques, les admirations extatiques de ses partisans laissent penser qu'ils ont perdu la raison, mis leur esprit critique en jachère pour laisser pousser les mille fleurs de la passion. »

 

En 1907, Benson, écrit dans son œuvre d’anticipation : « Felsenburgh constitue le premier produit vraiment parfait de cette nouvelle humanité cosmopolite, dont la création a été l'objet inconscient et continu de tous les efforts du monde, à travers l'histoire. » La phrase centrale de son roman est celle-ci : « “J’apporte non point la paix, mais un glaive !” disait le Christ ; et l’on sait combien amèrement vraies se sont trouvées ces paroles. “Je n’apporte pas un glaive, mais la paix !” est la réponse, enfin nettement formulée, de ceux qui ont définitivement renoncé à suivre le Christ, ou qui jamais n’ont accepté de le suivre” ».

En effet l’Antéchrist y est décrit comme l’antithèse d’un personnage effrayant ; bien au contraire, il fascine les foules par sa posture et son discours réconciliant, unifiant. En terme de psychanalyse il constitue la figure de la « mère archaïque », soit la promesse d’être soulagé de l’altérité du monde et de retourner dans la matrice. La matrice c’est-à-dire le souvenir du paradis perdu, le ventre de notre mère, que nous avons tous enfoui dans notre inconscient. Or ne voilà-t-il pas qu’un tout nouveau venu, apparu depuis peu sous les feux de la rampe, favori des sondages pour cette élection présidentielle, est un homme de 39 ans ayant épousé une femme en âge d’être sa mère. Elle est même son ancien professeur. Selon la presse people, il vit même de sa retraite (Gala, 2 février 2017). Une belle expression du « transfert » comme aurait dit l’oncle Sigmund. Transfert encore entre la « matrice » et le « système » dont il est l’enfant chéri et surdoué qui réalise ses aspirations. Pour résumer, notre homme est l’homme de l’œdipe non pas dépassé mais accompli.

 

Les observateurs se sont étonnés de sa capacité incroyable à unifier les contraires : Philippe de Villiers et Pierre Bergé, Robert Hue et Alain Minc, François Bayrou et Jacques Attali, etc. Emmanuel Macron dit s’apitoyer sur la Manif pour tous et être le plus fidèle soutien du lobby LGTB, comprendre et aimer les pieds-noirs après avoir déclaré que la colonisation est un « crime contre l’humanité », être pour le capitalisme libéral et le meilleur ami de la planète : « être écologiste aujourd’hui, c’est se préoccuper d’avoir une vraie croissance. » (WWF, 9 février 2017) et pour résumer qu’« il affirme être à la fois de droite et de gauche » (14 mars 2017). Emmanuel Macron n’est pas l’homme de la synthèse mais celui de la fusion de la thèse et de l’antithèse. « Comme dans le Canada de Trudeau, tout concourt à l'apparition d'“une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire » (Mathieu Bock-Côté). À cette fin, il est tout cohérent qu’Emmanuel Macron doive commencer par faire table rase des société et des cultures, à commencer par la sienne : « Il n'y a pas de culture française. » (5 février 2017). La société « ça n’existe pas » comme disait Margaret Thatcher, seul compte l’individu ; le Je.

Emmanuel Felsenburgh est en marche. En marche vers un monde réconcilié, unifié, affranchi de l’altérité qui fait la condition humaine. En marche vers la promesse du Paradis sur Terre.

 

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