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Une idole à blasphémer

Une fabrique à conformistes dociles et consentants à l'aveuglement complice

L'entreprise

 

 

Elle pourra toujours compter sur le soutien indéfectible des médias dits catholiques. Du moins presque tous (quelques blogs et petites publications font heureusement exception), ils l'adulent, n'ont que son mot à la bouche, voient en elle l'évidence d'un cadre économique indépassable dont dépend notre salut. Parfois avec de gros sabots mais le plus souvent comme ça l'air de rien, ils relaient à longueur de pages son idéologie compétitiviste et managériale, rampent au son des trompettes des "réformes incontournables", de "l'innovation, source de richesses et d'emplois" et des "premiers frémissements d'un retour à la croissance". Toujours là pour leur ouvrir leurs colonnes et déployer le tapis rouge jusqu'aux pieds des experts-prophètes en "embellie économique", ils répètent en boucle et en perroquets les mantras officiels du paradigme entreprenarial et croquent à pleines dents dans l'appât sucré (élaboré presque spécialement pour eux) de "l'éthique en entreprise", de "l'entreprise à visage humain" et de "la responsabilité sociale et écologique de l'entreprise". Hum miam miam, rien de tel avant la messe.

Et puis bien entendu, car l'injonction paradoxale (ou schizophrénique) tient lieu de ligne éditoriale chez les vendeurs de bluettes, on n'oublie pas de se donner bonne conscience en pages suivantes avec floraison de papiers sur l'écologie intégrale, sur la rencontre de François avec les mouvements populaires latino-américains, sur ces jeunes qui s'engagent avec fougue pour un monde meilleur, plus propre et plus solidaire, et, incontournable, sur la Famille comme chemin de sainteté. Le catho congénitalement medefophile n'a jamais de mots assez touchants pour prôner le respect de la dignité de l'homme au travail et dans la société : l'entreprise au service de la personne; l'argent et le profit, simples et modestes instruments pour le bien commun; le bon patron samaritain fidèle serviteur de ses employés... Groin groin groin ! La pire des collaborations est celle qui se teinte de tous les meilleurs bons sentiments, labellisés "éthique chrétienne en entreprise". 

Enfin, une fois qu'on l'a piétiné, avec toutes les formes que savent y mettre les fourbocommunicants, on glisse l'Evangile et le portrait du saint de ce jour. On est cathos, ne l'oublions tout de même pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ô toi, grand patron chrétien, aplanis les chemins de la prospérité et de la dignité de l'homme au travail.

 

 

     

KTO

Ou la propagande en gants blancs : ordinaire, feutrée et bien élevée.

Ou le livre de la Genèse certifié 100% entreprenariat-compatible.

Ou un pont lancé entre le Plan de Dieu et les plans du medef :

Peut-on être heureux au travail? Dieu que oui...

ici

     

 

 

Foudre et retour à la réalité

Extraits dévastateurs de Günthers Anders :

 

"A l'exception de quelques survivances dépourvues de signification, le travail est devenu une "collaboration" organisée et imposée par l'entreprise. J'insiste bien sur le fait que cette contrainte est imposée par "l'entreprise", car si le travail solitaire n'a certes jamais constitué l'essentiel du travail humain, ce dont il s'agit désormais n'est justement plus de travailler avec les autres, mais d'être au service de l'entreprise, entreprise dont les autres employés ne sont eux-mêmes que des rouages (...) Il est caractéristique de celui qui travaille pour l'entreprise d'"agir passivement", de n'avoir aucune part à la définition des buts de l'entreprise, même si son unique raison d'être est pourtant de contribuer jour après jour à les atteindre; de n'être jamais "propriétaire" des fins de la production, parce que ces fins ne le concernent pas. S'il en va ainsi pour lui et si, par conséquent, il ne connaît pas, n'a pas besoin de connaître ou ne doit pas connaître la fin de son activité, il n'a manifestement pas non plus besoin d'avoir une conscience morale. On peut donc dire que toute "action" approuvée, voire dictée par la conscience morale individuelle, a été suspendue dans l'entreprise et remplacée par le zèle du collaborateur neutre "à mi-chemin entre l'activité et la passivité". S'il existe une "bonne conscience" dans l'entreprise, elle consiste paradoxalement en la satisfaction - ou même la fierté - d'avoir réussi à déconnecter complètement sa propre conscience morale de son activité. L'ouvrier d'usine ou l'employé de bureau qui refuserait de continuer à collaborer à la bonne marche de l'entreprise en alléguant que ce qu'elle produit est en contradiction avec sa conscience morale ou avec une loi morale universelle, ou bien que l'utilisation de ce produit est immorale, celui-là passerait dans le meilleur des cas pour un fou et ne tarderait pas à subir en tout cas rapidement les conséquences d'un comportement aussi extravagant (...) L'entreprise est le lieu où l'on crée le type d'homme "instrumentalisé et privé de conscience morale". C'est là que naissent les conformistes (...) L'entreprise actuelle est le creuset, le modèle de ce type de travail qui exige notre mise au pas (...) Par leur travail, les hommes sont aujourd'hui dressés à la collaboration en tant que telle. Le zèle dont ils font preuve (dont l'époque les contraint à faire preuve) est un substitut de conscience morale qui vaut pour un serment, le serment de ne s'inquiéter de rien, de refuser de comprendre la finalité de l'activité à laquelle ils participent (...) L'employé du camp d'extermination n'a pas "agi" mais, aussi épouvantable que cela puisse paraître, il a seulement fait son travail. Puisque la fin et le résultat de son travail ne l'intéressent pas, puisqu'il considère toujours son travail en tant que tel comme "moralement neutre", il n'a fait qu'accomplir quelque chose de "moralement neutre" (...)

Nous avons dit que l'homme instrumentalisé avait fait le "serment secret" de "ne pas voir ou plutôt de ne pas savoir ce qu'il faisait", le serment donc de ne pas regarder vers l'idée à laquelle correspond son activité ou de ne pas tenir compte de sa finalité, bref, le serment de rester (par analogie avec l'expression "aveugle à l'apocalypse" que nous avons employée plus haut) "aveugle à la finalité de son travail" (...) Quel rapport entre cette description de l'homme instrumentalisé et notre propre question? Quel rapport avec les causes de notre aveuglement face à l'apocalypse? Dans quelle mesure l'"existence instrumentalisée" est-elle l'une de ces causes? (...) Tous les éléments de l'existence instrumentalisée convergent pour empêcher l'homme de comprendre ce qu'est vraiment la bombe. C'est ainsi qu'il s'achemine vers sa fin, fébrile et indolent à la fois, sans même comprendre ce que signifie le mot "fin"".

 

 

Günther Anders, L'Obsolescence de l'homme, Tome 1 (pages 318-327)

 

 

Un Pont lancé entre foi catholique et décroissance

Mon fils, le béton c'est notre avenir à tous. Quand le bâtiment va, tout va.

On t'a pas appris ça au caté?

 

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